Air France est la seule grande compagnie en Europe à échapper, jusqu’à présent, à des mouvements sociaux. Une paix sociale qui explique en grande partie ses bons résultats, et résulte de certains choix risqués.
Contrairement à Lufthansa et British Airways, Air France n’a pas eu à annuler des milliers de vols pour cause de grève. (JOEL SAGET/AFP)
Qu’Air France-KLM parvienne à produire, un trimestre après l’autre, des résultats financiers meilleurs que ceux de Lufthansa et d’IAG est déjà inhabituel. Mais voir Lufthansa et British Airways plongés en plein chaos par des grèves en plein cœur de l’été, tandis qu’Air France fait figure de modèle de paix sociale, est encore plus surprenant.
De toutes les grandes compagnies européennes, Air France est en effet la seule à ne pas avoir connu d’arrêt de travail dans ses rangs ces dernières semaines, à l’exclusion de trois jours de grève chez sa filiale low cost Transavia , qui n’étaient pas le fait de personnel Air France. Même Ryanair n’y a pas échappé. Une stabilité qui explique en grande partie les bonnes performances du groupe et qui résulte d’un ensemble de facteurs.
Réussir impérativement la saison d’été
Le premier est probablement le sentiment de responsabilité des salariés d’Air France , après avoir bénéficié d’un soutien étatique sans équivalent en Europe. Une partie de ces aides – environ 40 % – et d’autres reports de charges doivent encore être remboursés, ce qui passe par l’impérieuse nécessité de réussir la saison d’été, qui génère traditionnellement l’essentiel des profits.
Mais cette mobilisation tient aussi à certains choix risqués du directeur général Ben Smith.
A commencer par le maintien d’un niveau d’activité plus important que les concurrents durant la crise, mais aussi avoir limité autant que possible les réductions d’effectifs et d’avoir préserver les compétences clé et les achats d’avions – avec l’aide du contribuable.
Air France a parié plus tôt que les autres sur la reprise, en n’hésitant à réembaucher dès le début de l’année, alors que les perspectives de reprises semblaient encore floues. Ce qui lui a permis de faire face au rebond de la demande et d’éviter globalement l’écueil de la pénurie, même si la compagnie est loin d’avoir retrouvé un fonctionnement optimal.
💸 Une attention particulière pour les pilotes 💸
A ce volontarisme s’ajoute l’attention particulière portée à une catégorie de salariés particulièrement stratégique : les pilotes d’Air France, sans l’adhésion desquels toute stratégie est vouée à l’échec. Au cours des deux dernières années, sans attendre la fin de l’épidémie, Air France a ainsi recruté près de 700 pilotes, dont 400 en 2022. Ce qui a non seulement permis d’alimenter la croissance de Transavia, mais aussi de permettre aux pilotes plus anciens de voir leurs carrières et leurs rémunérations progresser.
A cette dynamique vertueuse s’est ajoutée, pour les pilotes long-courriers d’Air France, une belle cerise sur le gâteau : l’application à compter de cette année, de l’article 81A du code général des impôts, qui va leur permettra de faire de belles économies. C’était une revendication ancienne des syndicats de pilotes, qui a fini par trouver grâce aux yeux de Bercy, sous l’action conjuguée de la direction d’Air France et du SNPL AF-TO.
🍰 Une cerise fiscale sur le gâteau 🍰
Grâce à ce dispositif conçu à l’origine pour les marins, les pilotes ayant passé au moins 20 jours à l’étranger peuvent désormais réduire leur revenu imposable dans des proportions variables, pouvant aller jusqu’à 28,6 %. De quoi remplacer avantageusement la déduction des frais réels et récupérer, selon les cas, l’équivalent d’un bon mois de salaire supplémentaire.
Bruno Trévidic
Les Échos 04/08