Au niveau européen, la fragmentation de l’espace aérien génère une surcon- sommation de carburant estimé à 10 %. Mais le chiffre est certainement plus élevé en France, dont le service de navigation aérienne reste le mauvais élève de l’Europe.
On ne peut pas évoquer les gaspillages d’énergie sans consacrer un chapitre aux déficiences du contrôle du trafic aérien. La France présente en effet l’avantage d’être le premier espace aérien d’Europe, mais aussi la particularité, moins glorieuse, d’être le principal producteur de retards aériens, et donc de surconsommation de carburant et de surpollution aérienne.
En 2021, les dysfonctionnements des services français de la navigation aérienne étaient à l’origine de plus de la moitié des retards dans le ciel européen. Une situation qui n’est pas nouvelle. En 2018, un rapport sénatorial pointait déjà du doigt le contrôle aérien français, responsable à lui seul de 33 % des retards de navigation aérienne. A ces retards s’ajoutent des trajectoires de vol ou des altitudes rarement optimales, du fait de la fragmentation persistante de l’espace aérien européen, mais aussi du retard pris par le contrôle aérien français dans ce domaine.
Des milliers de tonnes de kérosène gaspillées
Au total, ces dysfonctionnements représenteraient un surcoût d’environ 350 millions d’euros par an pour les compagnies aériennes et plusieurs milliers de tonnes de kérosène gaspillées. Les données précises manquent, mais à l’échelle européenne, on estime que les vols moyen-courriers s’en trouvent inutilement allongés de 42 km en moyenne. Soit environ 70 kg de carburant gaspillé par vol.
Les causes de cette contre-perfor- mance française sont diverses, mais de la responsabilité de l’Etat. Le con- trôle aérien français souffre notamment d’un retard considérable pris dans la modernisation de ses équipements, d’une mauvaise organisation du travail des contrôleurs aériens, ainsi que d’un manque de personnel dans certains centres… Et aussi de grèves à répétition, qui ne mobilisent souvent qu’une poignée de contrôleurs, mais qui génèrent 25 % des retards.
De 2004 à 2016, 67 % des jours de grève du contrôle aérien en Europe se sont produits en France, indique le rapport sénatorial.
Par ailleurs, les gouvernements français successifs sont largement responsables du retard pris dans le projet de ciel unique européen, lancé en 1999 et qui n’a toujours pas abouti. Et ce afin de préserver le statut public du contrôle aérien, largement privatisé ailleurs en Europe.
Selon plusieurs études, la mise en place d’un ciel unique européen permettrait pourtant de réduire les émissions de CO2 du transport aérien de 10 %. Mais en dépit de ses engagements environnementaux et une tentative de relance par la Commission européenne, la récente présidence française de l’UE n’a produit aucune avancée sur ce dossier.
Les Echos Vendredi 1er et samedi 2 juillet 2022